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Rencontre avec Amaya, psychologue

Amaya, psychologue

« Mon rôle c’est de recevoir tous ceux qui sont demandeurs d’un espace de paroles et d’écoute, un espace pour réfléchir sur eux ».

Amaya est psychologue au sein du Relais Social de La Mie de Pain. Près d’une centaine de personnes s’y présentent chaque jour. Il s’agit d’un service d’accueil, d’aide et d’accompagnement destiné aux personnes en grande précarité souhaitant s’inscrire dans une démarche d’insertion.
Amaya nous décrit son rôle auprès de ces personnes en quête de réponses et désireuses de mieux comprendre leur histoire et leur situation actuelle.
Ecoute, patience et facilité d’adaptation sont indispensables.


En quoi consiste le métier de psychologue au sein du Relais Social de La Mie de Pain ? Comment définirais-tu ton rôle ?


Amaya, psychologue à La Mie de PainJe suis psychologue clinicienne. Un psychologue peut intervenir dans de nombreux domaines. Pour ma part, ma spécificité est d’intervenir auprès de personnes en souffrance. Une souffrance qui peut être passagère ou bien chronique, et dont les degrés sont très différents. Mon rôle c’est de recevoir tous ceux qui sont demandeurs d’un espace de paroles et d’écoute, un espace pour réfléchir sur eux.

 

Au sein du Relais Social, je travaille en lien avec les travailleurs sociaux qui suivent les bénéficiaires percevant le Rsa (Revenu de solidarité active). Ndlr : Le Relais Social est un service instructeur du Rsa (200 dossiers en suivi).


Ces travailleurs sociaux fournissent un accompagnement pluriel (emploi, logement, accès aux droits, santé…) mais ils se sont aperçus que même lorsqu’ils apportent des solutions et des réponses très concrètes, les bénéficiaires ne parviennent parfois pas à avancer dans leur projet d’insertion et rencontrent des obstacles difficiles à identifier.

C’est là que j’interviens. Dans ces phénomènes se jouent des choses compliquées à saisir qui sont souvent de l’ordre du psychique. Les travailleurs sociaux prennent appui sur moi pour réfléchir à la façon de dépasser  ces « blocages » qu’ils repèrent chez les bénéficiaires.

 

D’autre part, les travailleurs sociaux peuvent proposer aux bénéficiaires de me rencontrer directement pour qu’ils puissent réfléchir eux-mêmes à ce qui les met en difficulté et pourquoi. En somme, qu’ils apprennent à mieux se connaître pour pouvoir aborder les choses différemment.

 

Depuis combien de temps travailles-tu au sein de l’association ? Quel a été ton parcours ?

 

Je travaille à La Mie de Pain depuis 4 ans, dont plus de 3 ans à temps plein en tant que psychologue au sein de L’Arche d’Avenirs, l’accueil de jour de l’association. Aujourd’hui, j’ai deux casquettes de psychologue : un poste à mi-temps au Relais Social de La Mie de Pain, et l’autre dans un centre médico-psychologique pour enfants et adolescents.

 

Le public dont je m’occupe est donc très différent. Travailler avec un public éclectique me permet d’être plus à l’écoute de chacun, et de fournir un accompagnement adapté à chaque étape de la vie. C’est finalement très varié mais très complémentaire. Ainsi, je peux fournir un accompagnement plus adapté à chaque étape de la vie.

 

 

Etait-ce un choix de travailler dans le secteur « social » et plus particulièrement auprès des personnes défavorisées que sont les sans-abri ?

 

Je suis arrivée dans le secteur social grâce à une rencontre, plus que par vocation. J’ai eu l’opportunité de discuter avec un psychologue qui avait exercé à L’Arche d’Avenirs. J’ai alors compris quelles étaient les problématiques du public en grande précarité. Cela correspondait à des choses que j’avais déjà observées dans mon parcours et qui m’intéressaient vraiment.

 

Du point de vue de la psychologie clinique, travailler au contact des personnes exclues est très riche car leurs problématiques sont diverses et complexes. Leurs ressources (psychiques) pour s’en sortir sont également très différentes. Il y a un vrai travail à faire en tant que psychologue auprès des personnes exclues.

 

Comment se déroule ta journée au Relais Social ? Quelles sont tes activités, tes missions, ton organisation, tes responsabilités ?

 

Le Relais Social, Crédit Photo : Sylvain LeserC’est assez variable. On organise des réunions d’équipe pour échanger les uns, les autres sur le suivi des bénéficiaires et également sur les divers projets de l’association.

 

Puis viennent les moments où je suis disponible pour recevoir les personnes en entretien, souvent sur rendez-vous. Dans d’autres structures, comme à L’Arche d’Avenirs par exemple, la psychologue doit être beaucoup plus souple et s’adapter davantage. Au Relais Social, les usagers sont reçus dans un service où les choses sont cadrées (prise d’un rendez-vous pour une prestation donnée). C’est donc naturellement que le suivi psychologique a pris cette forme.


J’accompagne également un groupe en équithérapie une demi-journée par semaine. L’activité se tient en dehors des murs de La Mie de Pain. La thérapie par le cheval permet d’offrir un espace nouveau aux usagers. Ils sont en prise directe avec un animal, avec du vivant, dans un environnement qui est loin de leur quotidien. Beaucoup de choses peuvent être exprimées à travers l’équithérapie.

 

L’objectif de mon poste est de pouvoir offrir différentes formes d’échanges, l’entretien duel en face à face ne correspond pas à tous. Parler de soi n’est pas toujours évident, surtout à un moment de sa vie où l’on est fragile. D’autres approches sont possibles et c’est ce que j’essaie de mettre en place.

 

Que t’apporte le travail au contact de personnes en difficulté ?

 

Ce qui est stimulant à La Mie de Pain, c’est que l’on prend part à une association qui a de nombreux projets, qui essaye de développer des choses pour le public précaire et qui s’interroge sur ses pratiques.

On participe aussi plus largement à un projet de société. La problématique des personnes exclues et en grande précarité est un vrai sujet à propos duquel il est motivant et intéressant d’apporter sa pierre à l’édifice.

 

Chaque jour, ce sont près de 100 personnes qui se présentent au Relais Social. Comment ces personnes sont-elles orientées vers toi ? Est-ce une démarche volontaire de leur part ?


Mes collègues travailleurs sociaux proposent aux usagers de me rencontrer, surtout lorsqu’ils identifient un mal-être particulier. Mais je ne reçois que les personnes qui en expriment le besoin et qui font la démarche de venir me rencontrer.

 

On commence toujours par deux ou trois séances où l’on fait connaissance, où ils me racontent leur parcours et comment ils en sont arrivés là. Après on définit le rythme de nos rencontres, selon quels modes (je peux être amenée à les orienter vers des structures extérieures), on voit ce qui peut être intéressant pour eux, ce qui leur correspond et répond à leurs attentes…

 

Je rencontre une dizaine de personnes environ chaque semaine.

 

Quel « profil » ont les personnes que tu suis ?

 

Elles ont des profils très variables et des parcours de vie très différents.


Des gens qui ont vécu en France et qui ont eu des vies stables jusqu’à connaître une forme de rupture. D’autres qui ont grandi avec des parcours très difficiles, des histoires familiales très lourdes. D’autres encore qui ont eu des parcours d’exil et qui ont connu des événements qui rendent les choses difficiles à construire ici.

 

Je suis souvent étonnée par les parcours de ces personnes, et parfois très surprise par leurs capacités, leurs ressources à supporter les choses et à les vivre.


En cas de grande souffrance psychique, peux-tu passer la main à d’autres structures, aux hôpitaux par exemple ?

 

L’objectif est de passer le relais à des centres de soins spécialisés, cela fait partie intégrante de ma mission.


Le Relais Social n’est pas un lieu de soins et de fait, on n’est pas censé faire un accompagnement à long terme. L’idée est plutôt de parvenir à amorcer des choses pour ensuite orienter les bénéficiaires vers des structures de soins adaptées (hôpitaux psychiatriques, structures spécialisées dans le suivi des addictions, lieux de psychothérapie, etc….)

 

Cela dépend beaucoup des liens que l’on entretient avec ces structures de soins, c’est au cas par cas.

Cela dépend aussi des demandes formulées par les bénéficiaires. Il faut parfois beaucoup de temps pour que cette demande émerge et que les bénéficiaires soient capables d’intégrer une autre structure, de s’investir dans un nouveau suivi avec une nouvelle personne… Aussi, lorsqu’on s’engage dans une démarche de soins demandant du temps et de la régularité, il faut déjà être dans une situation à peu près stable.

 

Le lien vers des structures extérieures est très délicat. Pour beaucoup d’usagers, La Mie de Pain est un repère qu’il peut être difficile de quitter, même pour une courte durée. Les personnes qui parviennent à intégrer une structure de soins adaptée reviennent parfois, voire souvent, chez nous. C’est pour cette raison que l’on maintient toujours un lien avec « nos » usagers.
Les structures psychiatriques par exemple ne peuvent pas recevoir les personnes avec la même souplesse ou avec la même fréquence que nous. De fait, c’est compliqué pour les personnes en précarité de rester dans ces structures. C’est aussi notre rôle d’aider les usagers à trouver leurs repères dans ces lieux et de faire la passerelle avec les psychiatres par exemple.

 

On a parfois le sentiment que de nombreuses personnes en situation de grande précarité auraient besoin d’un suivi d’ordre psychiatrique. Quel regard portes-tu sur cette situation ?

 

Beaucoup de lits (de places) ont été supprimés dans le domaine de la psychiatrie. Pendant plusieurs décennies, on a hospitalisé les gens plus facilement et, surtout, pendant assez longtemps. Ca a été critiqué, et on a prétendu qu’il fallait remettre les patients dans la société pour qu’ils avancent. Que les enfermer n’allait pas les aider. De fait, au-fur-et-à-mesure, le nombre de places a été réduit. Aujourd’hui, il n’y a plus de place en psychiatrie. C’est un gros problème.

 

Car lorsqu’on repère des personnes qui auraient besoin de soins psychiatriques, la psychiatrie n’a plus le temps de les recevoir, n’a plus le temps nécessaire pour faire en sorte que les personnes adhèrent aux soins, que ça se passe bien et qu’elles en ressentent les bénéfices.

Aujourd’hui beaucoup de personnes qui auraient besoin d’un cadre adapté et de soins psychiatriques, se retrouvent dans nos établissements face à un personnel qui n’est pas formé pour répondre à des problématiques relevant de la psychiatrie. C’est une réalité, et c’est un vrai problème.

 

Je crois que c’est désormais à nous de nous adapter, de nous préparer à accueillir et à travailler avec ce public en difficulté, parce qu’il est là, et en souffrance. La Mie de Pain leur apporte un certain cadre, peut-être un certain bien-être, alors il y a certainement des choses nouvelles à construire et à inventer pour ces gens-là.

 

Peut-on parler de limites au métier de psychologue, ou même d’échec parfois ?

 

Oui évidemment, il y a des limites au travail psychologique. Déjà, il y a les limites de notre cadre de travail et c’est important d’en avoir. Savoir quel est notre cadre de travail justement, qu’est-ce qu’on y fait et jusqu’où l’on va.


Après, il y a également les limites de la personne qui est suivie. En tant que psychologue, j’accompagne la personne selon son rythme. Il y a parfois des choses qui ne sont pas abordables ou « entendables » par la personne à l’instant T. Il faut respecter ce rythme.

 

L’ajustement est parfois compliqué entre d’une part, les exigences de l’urgence sociale et d’autre part, le rythme psychique de la personne qui n’est pas nécessairement le même.

 

Quant à la notion d’échec, elle existe également. Les personnes que l’on accueille à La Mie de Pain vivent quotidiennement des situations très difficiles. Elles doivent s’adapter en permanence et elles essaient de trouver des solutions qui puissent les protéger d’une certaine façon. Sauf qu’à un moment donné, ce fonctionnement atteint ses limites et met parfois la personne en situation d’évitement ou d’échec. La question est alors de savoir ce qui se passe à ce moment-là pour cette personne. Chaque cas est différent.

 

En psychologie, on emploie le terme de « névrose d’échec » pour désigner les personnes qui expriment des attentes ou formulent des demandes, et qui font échouer ce projet dès lors que ces attentes ou demandes semblent pouvoir se réaliser. Ils ne parviennent pas à assurmer le bénéfice ou le risque de cette réussite. Dans la « névrose d’échec », il y a quelque chose d’inconscient qui se joue. L’important c’est que l’équipe qui suit le bénéficiaire puisse comprendre ce qui se passe, et que l’on aide le bénéficiaire à en prendre conscience.

 

Comment gères-tu les informations que les bénéficiaires te confient ? Ils vivent des situations difficiles qui doivent parfois être dures à entendre ?


Tout d’abord, j’ai une place et un cadre de travail définis. Un cadre qui protège à la fois la personne suivie et moi-même. Ce n’est pas comme si les choses m’arrivaient comme ça, et me submergeaient. Je suis dans une posture d’écoute.

 

Ensuite, il y a tout le travail que je fais en dehors. En tant que psychologue, je suis supervisée. Je bénéficie moi-même d’un temps de parole où je peux parler des suivis ou des entretiens que je réalise, de ma réflexion par rapport à ça, de ce que j’en comprends, de ce que je vais travailler avec le bénéficiaire… C’est un espace important. Le travail de pensée permet vraiment d’être à l’écoute des gens et de ne pas être pris directement dans la situation que vit la personne suivie.

 

L’autre chose qui me paraît primordial, c’est que lorsqu’on occupe un poste de psychologue, c’est important de faire aussi un travail sur soi. Il faut de temps en temps être de l’autre côté, savoir ce que c’est que d’être écouté.

 

A ton avis, quel rôle joue le suivi psychologique dans le processus d’insertion ?

 

Il y a deux choses différentes. Il y a les personnes qui se manifestent auprès de moi et qui souhaitent me rencontrer. Dans ce cas, le suivi psychologique est un espace pour elles, qui leur est consacré, un espace de questionnement mais aussi de « décharge ».

 

Et puis, il y a les personnes qui ne désirent pas être suivies psychologiquement et dont on repère un déni de leurs difficultés. Celles que je ne rencontre pas directement, mais pour qui je collabore avec les travailleurs sociaux en charge de leur suivi.

Pour les travailleurs sociaux, ma présence permet de construire un espace de réflexion qui facilite l’identification et la compréhension des obstacles auxquels sont confrontés les bénéficiaires. C’est important, et je crois que c’est cette réflexion pluridisciplinaire qui peut finalement être riche pour les bénéficiaires et permettre un accompagnement aménagé.

 

La nouvelle structure de La Mie de Pain qui va prochainement voir le jour, La Plateforme d’Insertion et d’Orientation, sera inscrite dans cette dimension pluridisciplinaire. Le suivi psychologique ne peut évidemment pas répondre à tout, mais il peut faciliter de nombreuses situations. On ne peut pas faire l’économie de prendre en compte la vie psychique des personnes démunies…

 

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